Édition

Compte rendu rédigé par Pablo Rodriguez

L’édition était le premier des trois grands thèmes abordés lors de la journée d’étude Knowledge and Network: Canadian Art History, circa 2012. Johanne Sloan a présidé la séance qui a duré un peu plus d’une heure et demie. Guylaine Beaudry (directrice de la bibliothèque R.-Howard-Webster de l’Université Concordia) et John O’Brian (du Département d’histoire de l’art, d’art visuel et de théorie de l’Université de la Colombie-Britannique) ont lancé la discussion avec des commentaires brefs, mais très percutants, et ont donné le ton aux échanges animés qui ont suivi. La table ronde rassemblait également trois éditeurs de presses universitaires et de revues sur l’histoire de l’art canadien, soit Martha Langford (rédactrice en chef du Journal of Canadian Art History/Annales d’histoire de l’art canadien et co-éditrice de la série McGill-Queen»s/Beaverbrook Canadian Foundation Studies in Art History), Lora Senechal Carney (éditrice de RACAR : Revue d’art canadienne/Canadian Art Review) et Brian Foss (Annales d’histoire de l’art canadien et RACAR), ainsi que Kate Steinmann (directrice des publications au Museum of Contemporary Art [MCA] de Chicago et éditrice associée de Fillip) et trois chercheurs qui participent à la mise sur pied d’ambitieux projets d’édition : Dominic Hardy (Équipe de recherche sur l’histoire de l’art du Québec) de même que les partenaires de recherche Heather Igloliorte et Carla Taunton (projet Indigenous Art Histories [« histoires de l’art autochtone »]).

En dépit des interrogations sur sa situation actuelle et future, l’édition demeure le principal moyen de diffusion, de conservation et d’évaluation des travaux de recherche en histoire de l’art. L’histoire de l’art canadien pourrait profiter des modes de communication numériques et en réseau, et notamment de la possibilité d’atteindre des publics plus nombreux ou plus dispersés et d’utiliser les textes et les images de nouvelles façons. Comme l’a souligné Johanne Sloan, la nécessité d’embrasser le numérique n’est pas uniquement une question de technologie, car les désirs communs des communautés, des collectivités et des institutions entraîneront inévitablement la mobilisation des connaissances. La journée d’étude a toutefois permis de mettre en relief le fait que l’édition numérique, malgré ses promesses, reste pour beaucoup un problème délicat non résolu. Ce rapport revient sur certains enjeux cruciaux soulevés lors de la séance du matin, dont l’opportunité du libre accès, les limites des modèles actuels d’agrément ainsi que les coûts et les risques de la production et de la diffusion numériques.

Libre accès, coût et valeur de la numérisation

photo de Guylaine Beaudry Guylaine Beaudry : « Le temps technologique est différent du temps social. » Guylaine Beaudry s’est d’abord adressée aux participants en évoquant l’émergence des revues spécialisées en Europe au cours des xvie et xviie siècles pour rappeler de faire preuve d’ouverture d’esprit et d’adopter une approche à long terme en ce qui concerne l’avenir des publications savantes. Elle a expliqué que « le temps technologique est différent du temps social » puisque même après l’invention de l’imprimerie, « il a fallu cent ans pour que le nombre de documents imprimés surpasse celui des manuscrits dans les bibliothèques ». Toutefois, ses observations les plus fascinantes n’étaient pas tant d’ordre historique que pragmatique. À titre de directrice générale d’Érudit, une plate-forme de publication en ligne sans but lucratif lancée en 1998, Guylaine Beaudry a supervisé la conversion de l’imprimé vers le numérique de plus d’une centaine de revues savantes québécoises. Même si elle croit aux publications savantes, elle n’était pas certaine que l’avenir de l’édition savante réside dans les revues universitaires.

Guylaine Beaudry, qui mène actuellement une étude sur la faisabilité de l’édition libre accès à Concordia, a déclaré que le budget de dépenses des bibliothèques en ressources numériques n’est pas viable, non seulement dans cette université, mais aussi dans d’autres établissements. Idéalement, elle souhaiterait que les communautés universitaires s’approprient leur production savante « plutôt que de l’abandonner aux éditeurs commerciaux » en concevant des véhicules sans but lucratif légitimes, durables et fondés sur les principes du libre accès pour favoriser les communications universitaires.

Guylaine Beaudry a ajouté que les solutions viables de libre accès dans le domaine de l’édition de revues savantes (c’est-à-dire celles qui permettent de diffuser des publications sur les marchés internationaux des bibliothèques) doivent tenir compte autant des plates-formes de diffusion que des modèles économiques 1. De même, dans le domaine de l’édition numérique, elle a proposé que si les universités « décident d’offrir une solution de rechange professionnelle et crédible aux éditeurs commerciaux », la principale priorité devrait être d’asseoir le prestige du libre accès 2 (la question du prestige est d’ailleurs revenue par la suite).

L’expression « libre accès » concerne tout texte disponible gratuitement sur Internet et dont l’usage est minimalement restreint par le droit d’auteur (c’est-à-dire que le contrôle des auteurs sur l’intégrité de leur œuvre reste protégé) 3. Le libre accès n’abolit pas les coûts, mais les transfère plutôt du lecteur à l’institution ou au fournisseur. À une époque où les politiques économiques néolibérales favorisent la diminution des investissements dans les universités – au détriment des sciences humaines et sociales, en particulier –, il devient encore plus urgent de déterminer qui assume les frais de la numérisation, et avec quelles conséquences.

C’était l’un des principaux éléments de l’allocution d’ouverture de John O’Brian. Celui-ci s’est inquiété que les chercheurs du domaine « concluent des pactes dignes de Faust avec les grandes entreprises » telles Google et que les plates-formes de publication traditionnelles soient les victimes de la transition vers le numérique. Guylaine Beaudry a renchéri en disant que Google est en train de numériser des collections universitaires « pour rien du tout […] [sans] aucun échange d’argent », transformant ainsi un bien public en « fonds de commerce pour son entreprise 4 ».

photo de John O’Brian John O’Brian : Les chercheurs du domaine « concluent des pactes dignes de Faust avec les grandes entreprises. » O’Brian a évoqué une conversation téléphonique avec Jim Shedden (directeur des publications au Musée des beaux-arts de l’Ontario), qui l’a informé que la numérisation est rarement « beaucoup moins coûteuse que l’impression ». Bien que les livres et les périodiques multimédias en ligne rendent les textes de nature artistique plus dynamiques, plus attrayants et plus accessibles, les bonnes plates-formes de diffusion en ligne demeurent très chères.

Un type de publication qui persiste malgré le passage au numérique en cours est le catalogue d’exposition. Comme l’a appris O’Brian de son contact au Musée des beaux-arts de l’Ontario et comme l’a confirmé Kate Steinmann de par son expérience au MCA de Chicago, les programmes d’édition de certains musées se portent plutôt bien. Ces institutions sont certes en train d’explorer les nouvelles plates-formes numériques, mais pas aux dépens de la viabilité de leurs projets d’édition.

Sherry Farrell Racette accorde une valeur considérable au catalogue imprimé, car selon elle, « c’est ce qui se rapproche le plus de l’expérience de l’exposition ». Carla Taunton a fait écho à ses propos en affirmant que le catalogue de l’exposition Close Encounters: The Next 500 Years était supérieur à son site Web 5. Kate Steinmann a abondé dans le même sens en ajoutant que les tarifs exigés par les programmeurs Web (comparativement à ceux des graphistes) contribuaient à rendre les catalogues Web « beaucoup plus chers » aux phases initiales de production (quoique moins coûteux aux phases ultérieures de production et de distribution, puisque l’on évite les frais d’impression, de reliure et d’expédition). Quoi qu’il en soit, elle demeurait optimiste : « [les plates-formes en ligne] ont un potentiel incroyable ».

S’inspirant de son expérience en édition commerciale, Sara Angel a contesté l’argument de O’Brian sur le coût de la conversion au numérique. Selon elle, même si la production et la gestion du matériel en ligne peuvent coûter cher, les éditeurs commerciaux traditionnels doivent néanmoins prévoir des tirages considérables (d’au moins 10 000 exemplaires) pour la mise en marché de leurs ouvrages. Par conséquent, elle s’est demandé si les divers intervenants de l’édition « ne se limitaient pas en affirmant que l’impression […] demeurerait importante, alors qu’ils devraient peut-être s’interroger sur la façon dont ils pourraient produire du contenu aussi efficacement et aussi bien que possible en ligne. » La question de Sara Angel concernait particulièrement les musées qui, en dépit de leur succès, dépendent tout de même de partenariats et de subventions pour imprimer leurs titres (d’après Kate Steinmann, « l’ordre de grandeur des pertes du MCA […] est d’environ 25 000 $ pour chaque ouvrage »).

Le fait que de nombreux projets d’impression réussis semblent relever de l’art contemporain (p. ex. la « renaissance » de l’impression à la New York Art Book Fair) soulève une autre question. Si l’on tient pour acquis que les catalogues d’exposition d’art contemporain génèrent les revenus les plus élevés, qu’en est-il des ouvrages imprimés qui traitent d’expositions et de projets d’art plus anciens? Subissent-ils une pression accrue pour trouver leur place sur Internet? Comment seront-ils financés?

Archives numériques et agrément

Selon Brian Foss, le caractère éphémère du contenu en ligne présente des défis particuliers pour l’histoire de l’art numérique : « Les musées ont publié soit des catalogues entiers soit des extraits en ligne […]. C’est ce qu’a fait le Musée d’art contemporain [de Montréal] il y a quelques années. » Toutefois, « le matériel en ligne est [maintenant] disparu. » C’est ce que pensait également Martha Langford, qui travaille actuellement avec Bill Kirby pour transférer la Base de données sur l’art canadien du Centre de l’art contemporain canadien (CACC) à l’Université Concordia : « À titre d’éditeurs, nous devons prononcer des vœux de mariage avec un fournisseur commercial qui soutiendra le système de distribution pour nous. Lorsqu’il disparaît, le contenu disparaît avec lui. […] Nous devons donc nous poser les questions suivantes : quel genre d’union célébrons-nous ici et pouvons-nous vraiment garantir que la recherche subsistera? »

Les services d’archives numériques constituent un moyen d’assurer la pérennité de l’information, selon Lora Senechal Carney, qui a ajouté qu’il s’agit néanmoins d’une option coûteuse, particulièrement pour les petites organisations qui se verraient contraintes d’obtenir un financement d’organismes subventionnaires comme le Conseil de recherches en sciences humaines. « Il faut que quelqu’un rafraîchisse continuellement les technologies. »

Le centre de documentation montréalais Artexte prévoit lancer ses propres archives numériques au début de l’année 2013. Comme l’a expliqué la directrice Sylvie Gilbert, le mandat d’Artexte consiste à collectionner les publications sur l’art et les imprimés produits par des artistes de partout au pays. L’organisme sans but lucratif dispose de ressources limitées : « Nous avons choisi de créer des archives numériques en raison du libre accès et du code source libre, et nous collectionnerons des publications de petites maisons d’édition canadiennes. » Ce projet a obligé Sylvie Gilbert et son équipe à aborder la question du droit d’auteur et à cette fin, ils travaillent avec un avocat pour adapter les clauses du droit d’auteur aux contrats des musées participants.

L’intérêt de Sylvie Gilbert pour l’édition en ligne (Artexte produira un catalogue PDF de ses archives) se base davantage sur « le partage de connaissances […] [et] d’information » que sur « le livre comme produit ». « Je sais que ce serait formidable d’avoir beaucoup plus qu’un [catalogue en version PDF], mais pour le moment, je crois que c’est un moyen tout à fait convenable de réunir l’information », a-t-elle expliqué. La situation est différente dans les universités où, comme l’a fait remarquer Heather Igloliorte, les étudiants s’attendent généralement à disposer de ressources numériques plus interactives qui facilitent la recherche. Sylvie Gilbert a souligné que l’approche d’Artexte comportera toujours deux volets : le centre recueillera des publications traditionnelles et des imprimés éphémères d’artistes tout en étendant sa présence sur le Web dans la mesure de ses ressources (qui ne lui permettront pas, par ailleurs, d’archiver les sites Web personnels des artistes).

Mark Cheetham a évoqué l’évaluation par les pairs comme un lien possible entre les différents domaines de publication abordés lors de la séance, soit le musée, l’université et la production artistique. Il a soulevé le sujet à la lumière de ce qu’il considère comme une tendance inquiétante dans les universités, où les revues à comité de lecture, les maisons d’édition et les modes de diffusion sont « déterminés […] et classés avec rigueur » pour accélérer l’embauche, le financement et d’autres procédures administratives. À plusieurs égards, ces commentaires reflétaient les préoccupations de John O’Brian au sujet du manque d’avenues de publication approuvées pour les jeunes chercheurs.

Mark Cheetham s’inquiétait plus particulièrement du fait que ces pratiques de classement relégueront l’édition électronique, le travail de conservation et la rédaction de catalogue dans une « zone grise » qui diminuera encore plus la valeur de ces activités dans le cadre de demandes d’emploi et de financement. Il craignait également que ces pratiques n’étouffent la créativité en dissuadant les chercheurs (en particulier ceux qui sont les plus vulnérables sur le plan professionnel) d’accomplir ce genre de travail ou en fait tout travail résolument nouveau. Kristina Huneault a réagi à ces commentaires en expliquant les motifs d’ordre administratif qui justifient ces méthodes, mais en demandant à tous de s’y opposer activement.

La discussion au sujet des pratiques de classement a incité Martha Langford à reprendre les propos de Guylaine Beaudry soulignant l’importance d’asseoir le prestige du libre accès dans les presses universitaires. Elle craignait que le système d’évaluation par les pairs ne devienne trop étroitement associé à des communautés universitaires particulières : « J’ai peur que les types de publication portant le sceau d’une université paraissent repliés sur eux-mêmes, quelque peu intéressés et pas assez audacieux pour affirmer “voici ce qui se passe en histoire de l’art au Canada”. » En même temps, elle était résolue à s’attaquer aux systèmes de classement : « Ne pourrions-nous pas y réagir en disant que nous avons une organisation très forte d’historiens de l’art canadien qui ne dépend pas d’une université en particulier et qui repoussera les attitudes très négatives – à mon point de vue – découlant du classement compétitif? »

Selon Heather Igloliorte, la question de l’évaluation par les pairs est particulièrement délicate dans le champ de la recherche en art autochtone contemporain : « De nombreux chercheurs qui écrivent à ce sujet n’ont ni doctorat ni maîtrise. Ils sont plutôt spécialistes en conservation, en critique et dans d’autres domaines. » Dans le même ordre d’idée, Carla Taunton a dû insister pour que l’Université Queen’s reconnaisse la compétence de Steve Loft, un boursier Trudeau, comme examinateur externe parce qu’il n’avait pas de doctorat. Tandis que Heather Igloliorte et Carla Taunton ont entrepris « la mise sur pied d’une publication sur les théories et les méthodologies autochtones » (qui pourrait ou non être numérique), ces hiérarchies risquent de limiter leur capacité à obtenir du financement, ce qui pourrait influer sur la méthode choisie pour communiquer les résultats de leurs recherches. Toutefois, les deux chercheuses ne doutent pas que les plates-formes numériques rendront possible la diffusion de leur projet au sein des réseaux transnationaux et internationaux de théoriciens et de chercheurs en art autochtone.

Dominic Hardy a ensuite présenté l’Équipe de recherche sur l’histoire de l’art du Québec ou ÉRAQ (qui réunit sept chercheurs de trois universités québécoises) et son projet de premier panorama historique de l’art québécois « des débuts de la colonisation jusque vers 1960 ». Le groupe, qui procède actuellement à l’élaboration de son programme de recherche, ne sait pas sous quelle forme il diffusera sa synthèse : « peut-être sur papier, peut-être en numérique ». Dans le cadre de ce projet, les membres songent à développer un site Web et une plate-forme d’édition numérique sous le titre des « Cahiers de l’ÉRAQ » pour faire connaître leurs recherches périodiquement.

Selon Johanne Sloan, le projet de l’ÉRAQ a soulevé des tensions – qui n’ont pas été mentionnées ouvertement durant la journée – entre les orientations nationales, infranationales et transnationales de l’histoire de l’art « canadien ». Martha Langford a poussé plus loin cette réflexion et a conclu la séance en rappelant qu’il existe de nombreux éléments synonymes de résistance ou de sous-estimation dans les grands textes sur l’histoire de l’art, comme les objets vernaculaires et nos publications autochtones. Au long de la séance, le numérique a été qualifié de carrefour, mais lors des derniers échanges, il a pris un aspect légèrement différent, devenant prétexte à discuter plus largement de ce qui est en jeu dans l’histoire de l’art canadien.

  • 1 Lora Senechal Carney a souligné que RACAR avait opté pour un modèle de gestion où le libre accès était reporté d’un an. Martha Langford a rappelé que les Annales d’histoire de l’art canadien avaient adopté le même modèle, mais en suivant un échéancier de deux ans. Un modèle d’embargo d’un an sur le libre accès à RACAR permettra, selon Lora Senechal Carney, « aux membres de l’UAAC d’en tirer un certain avantage ».
  • 2 En 2013, au moment de la rédaction du présent rapport, la College Art Association a souligné le centenaire de son Art Bulletin en le reconfigurant pour la diffusion numérique. Intitulée Publishing The Art Bulletin: Past, Present and Future, cette plate-forme suit de près la Centennial Anthology (2011) en ligne de l’Art Bulletin et présente trois articles importants en deux formats (PDF et tablette numérique), ainsi qu’un calendrier interactif qui inclut la table des matières de tous les anciens numéros (http://scalar.usc.edu/anvc/the-art-bulletin/index, consulté le 26 mars 2013).
  • 3 Peter Suber, Open Access Overview,
    http://www.earlham.edu/~peters/fos/overview.htm, consulté le 2 janvier 2013.
  • 4 Andrea Kwan a écrit au sujet du Library Project de Google Books et des poursuites qu’il a entraînées aux États-Unis dans son rapport Open Access and Canadian University Presses: A White Paper, préparé en 2010 pour l’Association des presses universitaires canadiennes. Ce rapport figure sur le site Web du symposium Canadian University Publishing in a Digital Age, qui comprend d’autres ressources précieuses (http://blogs.ubc.ca/universitypublishing/files/2010/03/ACUP-White-Paper-Open-Access_Kwan.pdf, consulté le 2 janvier 2013?).
  • 5 Voir Sherry Farrell Racette (ed.), Close Encounters: The Next 500 Years, Winnipeg, Plug In Editions, 2011. Cette exposition sous la direction de Candice Hopkins, Steve Loft, Lee-Ann Martin et Jenny Western a été organisée par le Plug In Institute of Contemporary Art en collaboration avec le Musée des beaux-arts de Winnipeg et Urban Shaman, Contemporary Aboriginal Art.